L’épidémie semble donner raison au digital learning : et s'il fallait largement remplacer la formation traditionnelle et son "échange mammifère" par la formation en ligne ? Une ambition à courte vue car, aussi paradoxal que cela puisse paraître, le coronavirus est aussi une mauvaise nouvelle pour le digital learning.
Les organismes de formation sont à la peine…
En un peu plus d’un an, les organismes de formation ont dû affronter trois crises. La plus récente, celle du coronavirus, qui constitue de loin la plus inquiétante, pourrait donner un coup fatal à tout un pan de l’offre de formation. La FFP (Fédération de la Formation Professionnelle) s’en inquiète à juste titre. Concrètement des stages sont reportés (ou géographiquement déplacés) quand c’est possible ; d’autres sont purement et simplement annulés ; et, dans tous les cas, le flux des inscriptions se ralentit… Affaire aussi de morosité : se former, c’est préparer l’avenir… Lequel semble bien incertain par les temps qui courent. Résultat : chiffre d'affaires et carnets de commande sont en berne, au contraire des charges fixes, notamment les salaires des personnels permanents et les loyers des centres de formation, qui continuent de courir. Redoutable effet de ciseaux pour des trésoreries déjà exsangues : on espère que certains OPCO ou autres financeurs auront la présence d’esprit de surseoir à leur détestable habitude de payer en retard. Mauvaise nouvelle donc que cette nouvelle crise, à un moment où les esprits semblaient prêts, après les excès du digital learning, à redonner plus de place à l’humain, en particulier à “l'échange mammifère” dont le cours en salle est un des hauts lieux… Type d’échange, il est vrai, qu’il est préférable de réduire aujourd’hui.
Le digital learning aurait tort de se réjouir
On a commencé à voir des fournisseurs de formation en ligne mettre en avant qu’on peut maintenant se former sans prendre le moindre risque : il suffirait qu’on utilise leur solution. Des Digital Learning Managers en entreprise sont aussi tentés d’emprunter la même voie, trouvant là un argument pour étendre sinon consolider leur pré carré. Le coronavirus mettrait donc en évidence qu’il y a tout intérêt à remplacer la formation traditionnelle par la formation en ligne, de même qu’on pourrait demain, toutes et tous, télé-travailler, sans avoir à “rencontrer” ses collègues autrement qu’à partir d’un écran installé au salon. L'opportunisme a ses limites, qui sont celles de la vue courte : ce serait en effet scier la branche sur laquelle toute la formation, digital learning compris, est assise depuis toujours… Les responsables formation y réfléchiront à deux fois, car la disparition des pratiques traditionnelles de formation au profit d’un digital learning nourri d’IA signerait assurément leur disparition. Le Digital Learning aurait lui aussi beaucoup à y perdre, en se privant ainsi de ses racines, de toute la richesse inscrite, strate après strate, dans les solutions mixtes : il suffit de se souvenir de tous les emprunts qu'il a faits aux pratiques traditionnelles de la formation, pour se convaincre qu’il n’a décidément rien à gagner à leur effacement ! Aussi paradoxal qu’il paraisse le coronavirus est aussi une mauvaise nouvelle pour le digital learning.
Michel Diaz
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